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Nouvelles / News

Nouvelle ère, nouveau modèle!

À l’aube de la nouvelle année, je souhaitais vous parler du nouveau modèle qui émerge de plus en plus chez nous, artistes interprètes du secteur de la musique, et des conséquences que peut avoir ce modèle sur les interactions entre les différents maillons de la chaîne musicale.

En effet, de nos jours, de plus en plus d’artistes choisissent de produire eux-mêmes leurs albums, puis de faire appel à une maison de disque (leur octroyant une licence) ou à un distributeur pour en assurer la commercialisation. Le modèle de l’artiste-entrepreneur en est un qui, jusqu’au début des années 2000, n’était envisageable que pour une poignée d’entre nous, mais qui, avec la montée en flèche de la diffusion sur Internet et des possibilités d’enregistrement maison, a pris une énorme ampleur et est désormais monnaie courante.

Je distingue cependant deux différentes façons de percevoir ce modèle.

La première est communément appelée le  do-it-yourself  (fais-le toi-même). Ce modèle est celui de l’artiste qui s’occupe entièrement et de façon artisanale de la création, de la production et de la mise en marché de son œuvre sans engager qui que ce soit pour l’aider à le faire. Ainsi, un artiste qui jouerait de tous les instruments de son album, qui en assurerait l’enregistrement chez lui, qui s’occuperait de sa pochette, de son graphisme, de son site Web et de la diffusion de son œuvre entrerait dans la catégorie du do-it-yourself. Il fait tout lui-même de A à Z. Certains artistes fonctionnent de la sorte et parviennent à se faire connaître ainsi, mais je suis d’avis qu’il devient impossible de le faire à partir d’un certain niveau, car le temps et l’énergie consacrés aux tâches connexes à la création de l’œuvre empêcheront éventuellement l’artiste de se concentrer sur la création et la prestation de celle-ci. De même, ce modèle ne procure pas de travail à d’autres artisans du milieu tels que des ingénieurs du son, des instrumentistes, des graphistes, des attachés de presse, des équipes de marketing, etc. C’est pourquoi je n’appuie pas la thèse voulant que ce soit le modèle du futur, car je sais que, à long terme, il n’est pas viable pour l’artiste et qu’il n’est pas profitable à l’économie des autres artisans de la musique.

Or, compte tenu du manque de ressources auquel nous faisons désormais face et du manque d’équilibre entre ce que les créateurs de contenu gagnent comparativement à ce qu’encaissent ceux qui font circuler ou qui diffusent ces contenus, c’est la réalité à laquelle de plus en plus d’artistes ont désormais à faire face.

La deuxième façon de faire s’apparente au modèle de l’auto-producteur qui produit lui-même sa musique, mais qui fait appel à d’autres pour l’enregistrement, la prise de son, l’accompagnement instrumental ou vocal, les relations de presse, le graphisme et la mise en marché de son œuvre. Ce modèle est celui auquel j’adhère depuis le début de ma carrière puisque je produis moi-même la musique dont je suis auteure, compositrice et interprète et j’en détiens les bandes maîtresses et les éditions; mais j’engage également d’autres acteurs de notre écosystème tels que des ingénieurs du son, des musiciens, des agents de spectacles, des relationnistes de presse et des graphistes et je travaille en partenariat avec un label en lui octroyant une licence afin qu’il s’occupe de la mise en marché de mon œuvre. Je considère ce modèle sain pour l’économie de notre milieu puisqu’il fait travailler de nombreuses personnes et qu’il est tout à fait viable. D’ailleurs, c’est celui qui émerge de plus en plus dans notre industrie.

Il est par ailleurs normal que ce modèle émerge de plus en plus, car il permet ainsi à l’artiste qui est en vedette sur l’album de contrôler les frais de production de son album et de percevoir sa juste part des redevances tant à titre d’artiste interprète qu’à titre de producteur. Ce modèle ne pouvant convenir à tous (et notamment pas aux artistes accompagnateurs), Artisti a, par ailleurs, déposé les projets de tarifs afin de permettre aux artistes interprètes de percevoir des redevances pour l’exploitation de leurs prestations, et ce, « dès la copie 1 ». En effet, pourquoi – dans la relation traditionnelle qui prévaut entre artistes interprètes et producteurs d’enregistrements sonores – les artistes interprètes doivent-ils participer à la récupération des frais de production (ils sont les seuls créateurs de musique à qui l’on demande une telle chose) et pourquoi ne peuvent-ils pas percevoir des redevances avant que la totalité de ces frais n’aient été récupérés? La question mérite d’être posée.

Cela dit, il faut également garder à l’esprit que, en ce moment charnière de l’histoire de l’industrie musicale, ce sont tant les artistes que les producteurs qui se retrouvent dans un écosystème en péril. En effet, l’inégalité des revenus se creuse entre ceux qui créent le contenu musical et les plateformes de streaming et autres fournisseurs de services Internet. Ces derniers continuent d’encaisser des sommes faramineuses pendant que l’on ne cesse de priver l’artiste des redevances auxquelles il devrait avoir droit.

Dans le mémoire qu’elle a déposé au ministère du Patrimoine canadien dans le cadre de la consultation publique sur le contenu canadien dans un monde numérique (mémoire que vous pouvez consulter en cliquant ici), Artisti expose le problème auquel font face les artistes interprètes et demande notamment que les fournisseurs de services Internet et les plateformes de streaming soient appelés à contribuer à l’économie de notre culture en rémunérant à juste titre ceux qui créent le contenu qu’ils diffusent.

Mais là n’est pas l’unique clef du succès, je suis également d’avis que le futur de notre industrie passera par l’établissement de relations saines entre les différents acteurs du milieu. Pour ce faire, il faudra favoriser la création d’un lien de confiance basé sur une transparence bilatérale et une équité entre les producteurs et les artistes. Le modèle unilatéral producteur-artiste qui était de mise depuis plus d’un demi-siècle devient peu à peu obsolète. Il est désormais temps d’unir nos forces et de travailler ensemble pour le meilleur.